Contrôle des ondes

Dans les milieux dits complexes, tels qu’une pièce d’une maison pour les micro-ondes ou des fibres optiques présentant du désordre pour la lumière, les ondes sont distordues par un grand nombre de réflexions ou d’événements de diffusion au cours de leur propagation. Cela a pour conséquence de mélanger, de manière apparemment aléatoire, les informations portées par les ondes. Ainsi, les milieux complexes peuvent avoir un effet délétère sur de nombreuses applications, telles que les télécommunications ou l’imagerie. L’équipe de Contrôle des ondes en milieux complexes étudie les techniques de modulation spatiale et/ou temporelle du front d’onde pour combattre ces effets. Une partie de ces travaux tire même profit des propriétés du désordre pour créer des dispositifs originaux. Au cours des précédentes années, de nombreux travaux ont concerné les télécommunications. En effet, le contrôle des ondes permet d’augmenter les débits, la portée et/ou de diminuer la consommation des systèmes de télécommunications.

Domaine micro-ondes

Suite au développement de métasurfaces reconfigurables dans la gamme des micro-ondes, analogues des modulateurs spatiaux utilisés en optique, plusieurs pistes d’exploitation de celles-ci ont été envisagées. Dans la gamme micro-onde les ondes électromagnétiques subissent de nombreuses réflexions sur les murs et une pièce agit typiquement comme une cavité réverbérante. L’utilisation typique de la métasurface consiste à l’intégrer sur une paroi de ces cavités et ainsi d’en modifier les conditions aux limites. Une première application directe de ces métasurfaces en lien avec la start-up issue du laboratoire, Greenerwave, est évidemment l’optimisation des télécommunications sans fil. Nous avons ainsi montré qu’il devient possible d’adapter l’environnement pour optimiser la capacité de Shanon d’un canal de transmission dans un environnement urbain afin d’améliorer le taux de transfert [P. del Hougne, M. Fink, and G. Lerosey, Nat. Electron., 2019]. En collaboration avec Orange, une métasurface avec un contrôle continu de la phase a été exploitée afin de réaliser des transmissions passives qui recyclent le champ électromagnétique ambiant [R. Fara et al., IEEE Wirel. Commun., 2022]. Enfin, grâce aux travaux précurseurs de l’institut Langevin et son expertise sur la modélisation des métasurfaces, les métasurfaces reconfigurables sont largement reconnus comme des dispositifs prometteurs pour les communications sous la dénomination de RIS (Reconfigurable Intelligent Surface) [E. Basar et al., IEEE Access, 2019].

Figure 1 : Montage expérimental reproduisant les caractéristiques d’une pièce désordonnée utilisée pour démontrer la possibilité de réaliser du calcul analogique en utilisant les ondes WIFI.

Outre le domaine des télécommunications, plusieurs pistes d’utilisation de ces métasurfaces sont étudiées. Par exemple, il a été proposé d’utiliser ces métasurfaces afin de réaliser du calcul [P. del Hougne and G. Lerosey, Phys. Rev. X, 2018]. En plaçant des métasurfaces reconfigurables dans la pièce, on peut ajuster la façon dont les ondes sont réfléchies par les murs. Ainsi, ils effectuent les opérations de calcul souhaitées – simplement en laissant des ondes de Wi-Fi rebondir d’une manière apparemment arbitraire mais maîtrisée (Fig. 1). Toujours à l’aide de ces métasurfaces nous avons démontré qu’il peut être possible de localiser des intrus qui tentent de rester inaperçus en exploitant les multiples configurations [P. del Hougne et al., Phys. Rev. Lett., 2018]. Dans la continuité de ces travaux sur les métasurfaces, un nouveau concept d’antennes dédiées à l’imagerie par résonance magnétique haut-champ a été introduit de manière à contrôler la géométrie des antennes [A. Nikulin et al. Appl. Phys. Lett., 2019] ou la répartition du champ.

Le principe de communication à faible consommation a été appliqué récemment dans les systèmes de communications numériques par rétrodiffusion en recyclant les champs radiofréquences ambiants. Ce mode de communication permet de remplacer une communication entre un émetteur et un récepteur en deux points différents de l’espace par un système où une surface reconfigurable permet de rétrodiffuser l’onde émise par une source (d’opportunité) en direction d’un récepteur. En collaboration avec Orange Labs, nous avons travaillé à l’amélioration de ce type de systèmes de communications. Depuis janvier 2023, nous travaillons dans le cadre du projet MIRA du Labex (post-doc de Hussein Ezzeddine) sur l’utilisation de surfaces intelligentes reconfigurables dans des systèmes de communications MIMO par rétrodiffusion (Fig. 15b).
Toujours sur les surfaces reconfigurables, une thèse CIFRE a débuté en 2023 avec la société Greenerwave pour quantifier leurs apports pour des communications dans la bande K. Une seconde demande de bourse est en cours de dépôt. D’autre part, nous faisons partie d’un consortium qui a déposé un projet Horizon Europe intitulé 3MFE pour l’étude de systèmes de communications qui combinent des surfaces reconfigurables, des communications par rétrodiffusion et des antennes conventionnelles.

Domaine optique

Aujourd’hui, la plupart des communications longue distance reposent sur des fibres optiques monomodes, qui atteignent leur limite en termes de débit. Les fibres optiques multimodes sont particulièrement intéressantes car elles offrent la possibilité d’utiliser la diversité spatiale (les différents modes spatiaux) pour augmenter les débits. Cependant, le couplage entre les modes dû aux défauts de la fibre et à sa conformation spatiale limite leur utilisation. En 2019, nous avons montré que ce désordre, considéré généralement comme purement nuisible, peut être exploité pour le calcul optique [M. W. Matthès et al., Optica,2019]. Par ailleurs, en collaboration avec l’université de Jérusalem, nous avons montré que la modification des conditions limites d’une fibre, en grande partie à l’origine du désordre, peut être exploitée pour mettre en forme spatialement le faisceau, de manière similaire à un modulateur spatial de lumière, ou pour focaliser le champ en sortie [S. Resisi et al., APL Photonics, 2020]. En caractérisant le système puis en modulant le front d’onde en entrée, on peut faire réaliser par une fibre optique multimode désordonnée n’importe quelle opération linéaire choisie de manière reconfigurable. Par ailleurs, nous avons caractérisé l’effet de perturbations locales et montré qu’il était possible de trouver une base de canaux, différente des modes de la fibre, qui permet d’être insensible au désordre [M. W. Matthès et al., Phys. Rev. X, 2021], ce qui est particulièrement intéressant pour les télécommunications dans un canal dont l’intensité des perturbations peut varier dans le temps.

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