Matériaux localement résonants
Différents exemples de métamatériaux localement résonants étudiés à l’institut Langevin : (de gauche à droite) des plans de bulles micrométriques dans une matrice de PDMS pour les ultrasons sous-marins, des réseaux de fils de cuivre pour les ondes électromagnétiques dans la gamme micro-ondes, des canettes de soda pour l’acoustique aérienne audible, des résonateurs planaires en U pour les ondes infrarouges.
Un axe important de recherche est l’étude de la propagation des ondes dans des matériaux structurés sur une échelle inférieure à la longueur d’onde de travail. En effet, en disposant dans un milieu de propagation donné des petits résonateurs sur des dimensions plus petites que la longueur d’onde, on peut ainsi induire des propriétés de propagation particulières : on parle de métamatériau localement résonant. En travaillant avec des ondes macroscopiques, il devient aisé de fabriquer ce genre de matériaux expérimentalement, ce qui constitue le cœur de ces recherches, et ainsi d’y étudier la propagation à l’échelle sub-longueur d’onde. L’interaction entre un résonateur et une onde plane se traduit notamment par des phénomènes d’interférences de Fano, qui donnent naissance à une relation de dispersion de type polariton. Selon la fréquence de travail on peut ainsi induire des propriétés effectives de propagation très différentes.
- Métalentille résonante
- Guidage sub-longueur d’onde
- Métamatériaux cristallins
- Transparence électromagnétique induite
- « Absorbeur parfait »
- Membres
Métalentille résonante
Ainsi, en-dessous de la fréquence propre des résonateurs, le milieu se comporte comme un milieu d’indice élevé. En d’autres termes, la longueur d’onde effective dans le matériau peut être aussi fine que la distance séparant deux résonateurs voisins. Ceci a été exploité afin de focaliser depuis le champ lointain les ondes dans ces matériaux sur des échelles plus fines que la limite de diffraction dans le milieu environnant. Nous avons montré cela sur une très grande variété d’exemples prouvant la généralité de l’approche : en acoustique audible avec des canettes de soda [1], en ultrasons sous-marins avec des bulles [2], en ondes élastiques dans des plaques avec des poutres vibrantes [3], en électromagnétisme dans la gamme micro-ondes avec des fils, ou encore numériquement dans la gamme optique avec des résonateurs plasmoniques [4].
Guidage sub-longueur d’onde
Au-dessus de la fréquence de résonance, l’onde réémise par le résonateur est en opposition de phase par rapport à l’onde plane incidente donnant lieu à des interférences destructives. Ceci se traduit par l’existence d’une gamme de fréquences pour laquelle la propagation n’est pas autorisée : on parle de bande interdite d’hybridation. Contrairement aux matériaux structurés à l’échelle de la longueur d’onde (les cristaux photoniques ou phononiques) qui mettent en jeu des effets de périodicité pour créer une bande interdite, ici celle-ci est uniquement due à la réponse en opposition de phase des résonateurs. Cette bande interdite, responsable de la négativité d’une propriété effective de propagation (par exemple la permittivité dans le cas des ondes électromagnétiques) est en fait le fruit de la réponse de très peu de résonateurs, c’est-à-dire que l’atténuation a lieu sur des dimensions à nouveau très inférieures à la longueur d’onde en espace libre. Le guidage et la manipulation d’ondes sur des échelles très petites devant la longueur d’onde ont ainsi été montrés [5]. En améliorant les techniques de fabrication de tels guides en collaboration avec Thomas Berthelot au LICSEN (CEA Saclay), des guides ralentissant les ondes électromagnétiques avec des rapports de délai sur bande passante sans précédent ont été obtenus.
Métamatériaux cristallins
crédits : Benjamin Boccas.
Par la suite, nous avons montré qu’en ajoutant des effets d’ordre dans ces milieux, la diffusion multiple permet d’obtenir des propriétés de propagation nouvelles, et ce malgré le caractère très sub-longueur d’onde du milieu. Par exemple, une maille en nid d’abeille donne dans une certaine gamme de fréquence un milieu d’indice effectif négatif, et ce malgré le fait que chacun des résonateurs ne donnerait un matériau que simplement négatif [6]. Ainsi, non seulement la composition du milieu (c’est-à-dire les résonateurs qui le composent) mais aussi sa structure, via l’arrangement spatial de ces résonateurs, contribuent à l’obtention des paramètres effectifs. Il n’est plus possible de prendre une réponse moyenne des résonateurs pour la simple raison qu’ils sont disposés sur une échelle sub-longueur d’onde et on parle de métamatériaux cristallins. Ceci ouvre alors la voie à l’étude de phénomènes analogues à la physique du solide : en choisissant à la fois les bons résonateurs et le bon arrangement spatial nous étudions désormais la possibilité d’induire des phénomènes topologiques dans ces métamatériaux [7].
Transparence électromagnétique induite
Profitant à nouveau de cette propriété d’interaction résonante, il n’est pas nécessaire d’avoir un matériau tri-dimensionnel pour obtenir des propriétés intéressantes et un plan de résonateurs suffit à obtenir une transmission intéressante : on parle alors de métasurface. Nous avons ainsi réalisé en infrarouge l’étude de la dispersion spatiale sur un matériau planaire de résonateurs sub-longueur d’onde en forme de U [8], ou encore la création d’une transparence électromagnétique induite dans une métasurface dédiée au cas des ondes électromagnétiques dans la gamme des Térahertz [9].
« Absorbeur parfait »
Enfin, bien que les pertes intrinsèques à ce type de résonateur sont un obstacle pour l’observation des propriétés de propagation exotiques comme la réfraction négatives, celle-ci peuvent être mises à profit afin d’obtenir des phénomènes d’absorption intéressants. Ainsi, nous avons montré que dans le cas de l’utilisation de bulles comme résonateur élémentaire d’un métamatériau, il est possible d’ajuster la position des bulles de manière à obtenir une condition de couplage critique. En d’autres termes, l’énergie emmagasinée par les bulles lorsqu’elles sont excitées par une onde incidente est directement « brûlées » par dissipation viscoélastique. Ainsi, une mono-couche de bulles, qui par conséquent est très inférieure à la longueur d’onde de travail, peut se comporter comme un absorbeur parfait pour des ultrasons, et ceci sur une gamme de fréquence relativement large [10].
- Julien de Rosny
- Fabrice Lemoult
- Geoffroy Lerosey
- Abdelwaheb Ourir
- Arnaud Tourin